L’art de la navigation

Les navigateurs polynésiens ont développé des techniques extrêmement sophistiquées de navigation sans le concours d’aucun instrument, s’appuyant sur une observation fine de la course des étoiles, du ciel et des éléments marins. Un véritable art de la navigation qui a permis non seulement le peuplement depuis la Polynésie occidentale mais aussi le développement de réseaux d’alliances extrêmement étendus à l’ensemble du Triangle polynésien.

Cette expertise s’est doublée d’une grande compétence dans la construction d’embarcations hauturières solides, les pirogues doubles de voyage, (ancêtres des catamarans) résistantes au temps et aux mers du large du fait d’un judicieux assemblage flexible des parties principales qui les composent. Chaque pirogue était capable pour les plus grandes d’entre-elles de transporter de 40 à 60 personnes, du bétail (tels que des cochons, des chiens, des poulets) ainsi que des espèces végétales nécessaires à l’alimentation, la pharmacopée et les rituels et qui seront replantées dans les nouvelles îles.

Une des clés du succès de cette épopée réside aussi dans le savoir-faire lié au transport et à la conservation des ressources alimentaires nécessaires à ces voyages de longue distance. Ainsi, grâce notamment au procédé de fermentation et en particulier la pâte fermentée du fruit de l’arbre à pain, celui-ci a permis de stocker et de compacter une quantité importante de réserves nourricières. Cette technique sera ensuite reproduite sur les îles colonisées afin de pallier notamment aux périodes de pénurie. L’eau douce était quant à elle contenue dans des sections de bambou ainsi que dans les noix de coco.

Ces techniques de navigation et la construction de pirogues à toute épreuve ont permis aux navigateurs mā’ohi de couvrir des distances considérables mais aussi de pouvoir maîtriser un maillage interinsulaire extrêmement dense. Qui maîtrisait la mer, maîtrisait le pouvoir. Les connaissances relatives aux pirogues et à la navigation ainsi que leur perpétuation étaient un enjeu politique et économique essentiel. Une école réputée à 'Ōpoa formait les tahu'a (spécialistes), les prêtres-navigateurs leur enseignant entre autres choses les disciplines de la navigation, de l'astronomie, ainsi que les mythes. De plus, un ordre spécifique d'artisans s'y était spécialisé dans la confection des pirogues. La construction de pirogues et la navigation sur l’océan furent des compétences essentielles pour entretenir le pouvoir politique des chefs de Taputapuātea relié aux autres îles de la Polynésie orientale.

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