L’Alliance et la diffusion du culte du dieu ‘Ōro

L’importance croissante de Taputapuātea est liée à la dynastie des ari’i (chefs) Tamatoa et à l’expansion de leur pouvoir.Taputapuātea était le centre d’une alliance politique qui réunissait deux régions étendues, englobant la majeure partie de la Polynésie. Ces deux régions étaient en réalité deux réseaux politico-religieux qui unissaient d’un côté, Te-Ao-tea (les mondes clairs) et de l’autre, Te-Ao-uri (les mondes sombres).

La tradition orale recueillie auprès des Anciens nous raconte que jadis deux réseaux de chefferies coexistaient. Ceux qui appartenaient au réseau Te-Ao-tea, l’alliance des « mondes clairs », dont les chefs portaient comme attribut de leur pouvoir sacré le Maro tea, la ceinture de plumes jaunes. Ce réseau s’était constitué autour de la chefferie du Marae Vai'ōtaha de Bora Bora et rassemblait la côte ouest de Ra'iatea, Taha'a, Maupiti, Rarotonga des îles Cook, Rotuma aux îles Fidji et Aotearoa (l’autre nom maori pour la Nouvelle-Zélande). À l’opposé, le réseau Te-Ao-uri, l’alliance des « mondes sombres », rassemblait les chefs qui portaient le Maro ura, la ceinture de plumes rouges. Ce réseau s’était constitué autour de la chefferie de la côte est de Ra’iatea, à ‘Ōpoā. Il regroupait quant à lui Hawaii, Huahine, Maiao, Tahiti, Mo'orea et les Îles Australes. La rivalité entre les chefs à la ceinture rouge et ceux à la ceinture jaune, autrement dit entre Bora Bora et Ra'iatea (les deux épicentres du pouvoir), était au cœur des dynamiques religieuses, sociales et politiques locales et internationales. C'est probablement à la suite d'une compétition malheureuse pour Bora Bora que Ra'iatea devint le centre du pouvoir religieux et, finalement, pu déployer le culte du dieu 'Oro auquel était dédié le grand Marae Taputapuātea. L’ethnologue et historienne Teuira Henry nous explique que Ra’iatea devint alors le centre géographique de cette alliance et le lieu où étaient organisés périodiquement des rassemblements de tous ces royaumes insulaires afin de prendre de grandes délibérations internationales et où des rites religieux étaient tenus. « Le jour de réunion était très exactement indiqué par l'année, la saison, le mois lunaire, ainsi que le jour du mois. »

L'influence du Marae Taputapuātea ne cessa de se renforcer aux XVIIe et XVIIIe siècles, jusqu'au changement radical de religion apportée par la London Missionary Society au XIXe siècle.

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